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Au fil des nuits, j’en viendrais presque à aimer l’insomnie…

Dernière mise à jour : 28 nov. 2018

On est bien d’accord, c’est une relation d’amour haine, sur le moment je maudis Morphée et toute sa famille… Mais le matin venu, je me rends compte qu’elles me me dégagent une sorte de nouveau créneau horaire dans ma triple vie entre Luther, l’Eden et Alternative 21. Ces nuits blanches me permettent souvent de remplir des dossiers de subvention, de réfléchir à la liste des choses à faire sur la semaine, d'écouter des podcast ou de parcourir des quantités d’articles, de débattre, de m’instruire … et aussi et surtout de réfléchir. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours adoré la nuit. Sa noirceur, son silence, ses odeurs et son temps suspendu. Une ambiance particulièrement propice à la réflexion. Cette nuit, encore emprise de la lecture de « La vie nous réserve des surprises » de Caroline Boudet, je repensais à l’annonce de la Trisomie 21 de Luther et plus largement à la violence de toute annonce du handicap chez un nouveau-né ou presque. Comme beaucoup (tou.te.s), cette annonce a été un véritable séisme, l’ouverture d’un gouffre qui a aspiré nos êtres, nos espoirs et notre joie. 7 ans (et quelques réflexions et lectures) plus tard, je suis convaincue que cette brutalité trouve son origine dans plusieurs choses.

Il y a évidemment la « délicatesse » et l’humanité qui habiteront (ou pas) le professionnel qui aura la lourde charge de briser l’harmonie. On dit souvent qu’il ne faut pas tirer sur le messager, mais pour le coup, la plupart feraient bien de prendre 3min de réflexion et de faire preuve d’un peu plus d’empathie. Pour toutes celles et ceux que la question intéresse, Luc Boland a fondé la Plateforme Annonce Handicap.

Mais il serait trop facile de limiter l’onde de choc à cette annonce faite avec plus ou moins de doigté. Je suis persuadée que la virulence de la douleur tient également avec le choc frontal de l’image de l’enfant qui nous est envoyée (son avenir, le nôtre, ses potentiels, nos responsabilités). Cette annonce vient rompre l’ordre naturel de la parentalité. Et je pense que c’est ce qui fait le plus mal.

A priori, nous avons été élevés par des parents aimants faisant tout leur possible pour développer nos capacités et aptitudes afin de nous emmener le plus rapidement possible vers l’autonomie. En devenant géniteurs à notre tour, nous pensons pouvoir (devoir ?) faire de même. Et puis là, en quelques minutes le scénario établi avec plus ou moins de précision vole en éclat. Cet enfant n’est pas normal (entendu comme ordinaire, comme faisant partie de la norme, la moyenne) et est déficient intellectuel. Je joins délibérément ces deux adjectifs, car être anormal pourrait signifier être anormalement intelligent… Or non, dès les premières heures de la vie de votre enfant on vous parle de son futur cerveau qui aura bien plus de mal que les autres.

Ce tableau, peint en noir charbon, est le réel et plus violent coup de massue que vous vous prenez. En quelques secondes défilent une série de symptômes, de difficultés voire d’impossibilités. Ce choc qui vous vrillera le cœur et réduira (à plus ou moins long terme) tous vos espoirs est essentiellement lié, selon moi, à une méconnaissance de la réalité actuelle de la Trisomie 21 et à une trop grande importance donnée au patrimoine génétique.



Oui, ce 47e chromosome a un impact non négligeable sur la vie de nos enfants. Oui, … mais il y en a 46 autres. Luther et ses petits congénères étant une espèce en voie d’extinction, le corps médical est en décalage complet avec la réalité actuelle de la Trisomie 21. Les cours et apprentissages semblent restés coincés au siècle dernier en ignorant tout des bienfaits de la prise en charge et de la stimulation précoces des enfants. Et pire … ils semblent coincés dans une forme de déterminisme génétique absolu. OUI, les gênes jouent un rôle important dans le développement de l’être humain. Dans celui de nos enfants tout comme dans le nôtre. Mais n’est-il pas aussi et avant tout lié à l’environnement, l’attention, l’éducation, la confiance que nos parents nous ont offerts… et que nous nous devons d’offrir à nos enfants en retour ! A l’heure de poser un diagnostic, nous avons tou.te.s notre rôle à jouer. Le corps médical doit pouvoir dépasser le dossier de papier et la longue liste de symptôme pour se reconnecter à un être humain en devenir, c’est-à-dire une infinité de potentiels. Mais nous aussi avons notre part à prendre. Ne parlons pas d’handicapés, mais de personnes porteuses de handicaps. N’enfermons pas les personnes dans leurs difficultés, mais aidons-les à exprimer leur potentiel.

Je ne suis pas les gènes qui me déterminent, Je ne suis pas l’abrégé de mes difficultés, mais le bilan de mes réussites. Mon fils ne se limite pas à son 47e chromosome, Luther n’est pas l’ensemble de ses lacunes, mais la somme de ses forces!

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